Le 22 mars 2024 est inaugurée au Musée de Picardie une exposition "La Somme des préhistoires" ...
Il y avait bien longtemps que le musée d'Amiens n'avait abrité une manifestation de cette importance qui rappelât les recherches archéologiques fondamentales entreprises par des précurseurs qui aboutirent à la naissance d'une science nouvelle : la Préhistoire.
La dernière remonterait à 1963, organisée à l'époque par la Société de Préhistoire du Nord,
Vallée de la Somme, vallée de la préhistoire
par Bruno Bréart, Conservateur en chef du Patrimoine (ancien Conservateur régional de l'archéologie à la DRAC de Picardie)
La vallée de la Somme est célèbre en effet pour les nombreuses découvertes de sites paléolithiques, et principalement à Saint-Acheul, le site éponyme de l'Acheuléen qui qualifiera une des plus anciennes industries humaines (caractérisée entre autres par ces outils de silex dénommés bifaces).
La Somme, un fleuve chargé d'histoire...
La Somme, ce fleuve aujourd’hui tranquille qui tente aujourd’hui de se frayer un chemin, d’est en ouest, à travers étangs et marais, surcreusait hier, au rythme des fluctuations climatiques du Quaternaire, sa vallée de plus d’une cinquantaine de mètres. Les alluvions fort anciennes qu’elle abandonnait sous formes de « terrasses » étagées, d’altitudes et d’âges décroissants, renferment de précieux témoignages pour l’étude des premières grandes étapes de l’humanité.
Aux portes d’Abbeville, puis d’Amiens, se créa au milieu du XIXème siècle une science nouvelle : la Préhistoire.
L’homme a vécu, il y a plusieurs centaines de milliers d’années, sur les bords de la Somme – et ses principaux affluents, comme l’Avre – en compagnie de grands mammifères aujourd’hui disparus, nous laissant pour seules traces de son passage ces innombrables silex habilement taillés qui composaient l’essentiel de son outillage.
Cette thèse fut émise avec force par Jacques Boucher de Perthes dès 1847. Vivement combattue, elle sera reconnue, d’abord en 1854 par le Dr Rigollot, chercheur amiénois qui fit les mêmes observations à Saint-Acheul, puis par d’illustres chercheurs britanniques tels Falconer, Prestwich, Evans, Lyell.., enfin par un savant du Museum, Albert Gaudry qui, en 1859, effectua les premières fouilles scientifiques dans les alluvions du quaternaire ancien de Saint-Acheul.
Ce petit faubourg d’Amiens, considéré à juste titre comme l’un des hauts-lieux de la préhistoire mondiale, est resté le site de référence pour l’étude des principales civilisations du pléistocène moyen : les civilisations acheuléennes.
Le patrimoine archéologique du bassin de la Somme est donc exceptionnellement riche, mais il est, pour la plus grande part, enfoui. En effet peu de vestiges subsistent en élévation. Quelques rares fronts de taille d’anciennes carrières sont heureusement préservés : la carrière «Carpentier » et la sablière de Menchecourt, aux portes d’Abbeville, la célèbre carrière Bultel-Tellier à Saint-Acheul et la remarquable coupe de Cagny dans le petit bois de la Garenne au sud d’Amiens. Ce sont là de précieuses coupes géologiques de référence pour l’étude des gisements préhistoriques. Car ici, la recherche préhistorique ne peut être séparée de l’étude du Quaternaire.
BB
LEGENDE : Plus d'un siècle sépare ces deux photographies. Front de taille d'une de ces carrières ouvertes à Saint-Acheul qui attirèrent nombre de chercheurs, préhistoriens, géologues et spécialistes de nombreuses disciplines scientifiques liées à l'étude du paléoenvironnement...
SAINT-ACHEUL ET L'ACHEULEEN.
Ci-dessous quelques photos sorties de l'album... (photos et repros B. Bréart)
LEGENDE :
1ère photo. Roger Agache, préhistorien, ancien directeur de la Direction régionale des Antiquités Préhistoriques de Picardie, au pied d'un sondage pratiqué dans les dépôts du gisement paléolithique de Saint-Acheul.
CAGNY "la Garenne", gisement préhistorique et coupe quaternaire (Photos et repros B. Bréart)
BOUCHER DE PERTHES, fondateur de la préhistoire
Notre sélection vidéo : Boucher de Perthes et la Société d'Emulation d'Abbeville : Site web :
Transcription de la vidéo :
A quoi assiste-t-on au XVIIIe siècle ? Eh bien, on assiste à un regain d’intérêt pour l’étude de tous ces mégalithes, les dolmens, les menhirs, les tumulus. Nous avons appelé ça la celtomanie. C’est vrai que pendant plus d’un siècle, les chercheurs, les érudits vont s’intéresser à ce type de monuments, des autels… Les mégalithes sont pris à l’époque pour des autels où on effectuait de sanglants sacrifices. Mais enfin, je pense qu’il faut dire que cette époque a entraîné pour de verbiages littéraires que de véritables fouilles. Il est indéniable de dire que le nom de Boucher de Perthes est associé au début, à l’origine de la préhistoire. Eh bien, on ne peut pas le dissocier d’autres chercheurs, des chercheurs comme Roland Traullé, comme le docteur Ravin, comme Casimir Picard qui, donc, à l’époque, sont regroupés au sein d’une société savante très importante, la société savante qui est la société d’émulation d’Abbeville qui existe toujours. Alors cette société réunit donc plusieurs chercheurs et plusieurs naturalistes qui font des études, qui, par exemple, s’intéressent aux découvertes que l’on fait notamment dans la baie de la Somme. Dans les sablières, notamment la sablière de Menchecourt qui est quand même le site le plus important, le baron Cuvier a signalé à maintes reprises la richesse des sablières de Menchecourt.. Eh bien, on trouve des vestiges de grands mammifères disparus de nos régions comme le rhinocéros, comme l’éléphant, l’hippopotame, etc.
En 1837, on le retrouve en un lieu connu des Amiénois que nous appelons la Portelette. A cette époque-là, Abbeville, la ville d’Abbeville entreprend de nombreux travaux. C’est le croisement du canal de transit, c’est le réaménagement d’une porte d’Abbeville qui est la porte de Rouen. Et à ce lieu dit, la Portelette, eh bien, Boucher de Perthes va trouver, sous 8 mètres de tourbe, énormément de vestiges. Des haches polies, beaucoup de céramiques, des céramiques vraiment en quantité, des ossements de faunes, la faune récente puisque nous sommes dans la tourbe donc c’est de formation récente. Donc on peut considérer qu’en 1837, Boucher de Perthes réalise sa première fouille archéologique. A l’époque, bien entendu, tous les vestiges, on les attribue à l’époque celtique. Bon, avec le recul, maintenant, on peut dire qu’il était, en présence, là, de son premier site néolithique. Et entre parenthèses, un site très riche. Et ensuite, il se retrouve au banc de l’hôpital… le banc, ce n’est pas le banc sur lequel il va s’assoir, ce sont les couches de terrain qu’à l’époque, nous appelons des bancs. Eh bien, à l’occasion des travaux de l’hôpital d’Abbeville, un lieu qu’on peut situer aujourd'hui boulevard Vauban, qu’on peut retrouver facilement puisqu’il y a une plaque commémorative, il va trouver lui-même les premières pierres grossièrement taillées, les premières haches antédiluviennes. Donc là, on change de domaine. On quitte les entités celtiques c'est-à-dire récentes pour arriver aux antiquités antédiluviennes que l’on trouve. Et il y a eu cette idée géniale Boucher de Perthes qui est la suivante, à savoir : on trouve ces haches grossièrement taillées associées aux ossements d’éléphants, de rhinocéros donc l’homme qui est l’auteur de ces haches a une très grande antiquité. Et ça, ça a été vraiment la grande découverte de Boucher de Perthes.
En 1959, le premier soutien, il l’obtiendra de ses collègues britanniques, ce qui est curieux. On peut reprendre le célèbre : Nul n’est prophète en son pays. Ces chercheurs britanniques, les plus célèbres géologues, préhistoriens, Evans, Falconer, Prestwich et le très célèbre Charles Lyell n’hésitent pas à venir à Abbeville et à donc faire les observations et à apporter leur soutien, ce qui vaut, d’ailleurs, à l’époque, toute une série d’articles dans le Times qui est le quotidien célèbre vantant les mérites de Boucher de Perthes. Restaient à convaincre les savants parisiens. Et ça, ces savants seront convaincus à la suite du passage dans notre région, à Saint-Acheul, d’un savant incontesté qui est Albert Gaudry. Albert Gaudry viendra à Saint-Acheul, campera plusieurs jours et va réaliser les premières fouilles scientifiques. C'est-à-dire que là, pas de terrassier : il campe sur place, il fait ses observations. Et ce qui est important de dire, c’est qu’il va écrire le premier compte-rendu à l’Académie des sciences. Et ça, c’est important. 1859, on peut dire que c’est l’acte de baptême de la Préhistoire ici, à Saint-Acheul, confirmant les recherches de Boucher de Perthes.
BOUCHER DE PERTHES. Galerie d'images (Photos et repros B. Bréart)
LEGENDES:
Mise en ligne d'une de nos conférences présentée le 8 novembre 2017 (au Jardin archéologique de Saint-Acheul)
Avertissement :
Avec cette conférence "grand public", nous avions tenté de présenter un état des connaissances.
Depuis, les recherches n'ont cessé de se développer avec la découverte de nouveaux gisements, grâce notamment à l'essor de l'archéologie dite "préventive" (qui permet aux archéologues d'intervenir en amont des travaux susceptibles de détruire des sites importants (recherches financées par les "aménageurs et constructeurs)....
Une exposition à ne pas manquer, présentée au Musée de Picardie du 23 mars au 3 novembre 2024...
Remarquable catalogue de l'exposition à découvrir...
(en vente au musée de Picardie)