Réunion de travail. Récolement des observations portées sur la première version du projet de règlement de police...
Nous avons été invité à faire part de nos observations sur le projet de règlement transmis par la préfecture. Ce document de travail ne peut être diffusé actuellement. Ce 15 janvier 2025, la préfecture nous a assuré que la diffusion de sera projet dès qu'il sera abouti. Une première réunion publique devrait être programmée fin février/début mars 2025.
Nous pouvons par contre vous transmettre dès maintenant notre analyse, sachant qu'elle pourrait ne pas être partagée avec les autres partenaires (le calendrier très serré ne nous permettant pas de programmer une réunion avant le 20 janvier). Cette analyse peut par contre contribuer au débat qui ne manquera pas de s'instaurer dans les journées à venir...
" Je salue l’initiative prise par la préfecture et son implication dans la gestion de nos hortillonnages (l’Etat ayant été toujours présent, et ce, depuis la fin du XVIIIème, soit après la Révolution, période où la préservation du site a été sérieusement menacée).
La réunion du 20 décembre 2024 fait suite à deux réunions tenues précédemment en préfecture, en janvier 2022 puis le 25 mai 2023. Ces réunions ont permis de dresser un premier état des lieux puis de confirmer la nécessité de « mettre en place une réglementation plus contraignante dans un périmètre à déterminer ».
La réunion du 25 mai 2023 a permis aux différents services de l’Etat de soulever un certain nombre de questions qui, aujourd’hui, sauf erreur de ma part, n’ont pas obtenu de réponses précises, comme « le contrôle et la sanction des activités et des usages illégaux dans les hortillonnages ». La DDSP a rappelé par exemple le besoin, pour les forces de l’ordre, de connaître les usages qui peuvent être sanctionnés ; elle s’interroge sur les immatriculations, la délivrance des autorisations ; « elle souhaite pouvoir s’appuyer sur une réglementation claire des usages » (cf. Compte-rendu du cabinet de Monsieur le préfet de la Somme en date du 5 juin 2023).
Je suis conscient qu’un règlement de police ne peut prendre en compte toutes les sollicitations émises par les partenaires auditionnés. Ce règlement devra, je pense, être complété par l’émission d’arrêtés pris dans la foulée par les communes concernées.
Parmi les sujets récurrents : l’immatriculation systématique des embarcations (1), le stationnement des barques individuelles amarrées de part et d’autre des lieux d’embarquement, les restrictions du stationnement des véhicules au niveau des quais d’embarquement disséminés sur le pourtour des hortillonnages, etc. Complété également par des recommandations, des campagnes de sensibilisation notamment auprès des propriétaires et de leurs locataires, principaux garants de la préservation du site.
La prise en compte des doléances formulées par les propriétaires (limitation des circuits de visite en barques, mise en sécurité du stationnement de leurs barques, facilité de déplacements jusqu’à leurs parcelles, protection de leurs berges face à la fréquence des passages …) sont à considérer comme prioritaires.
Les principales associations impliquées depuis de nombreuses années seront disponibles - si tant est qu’elles aient l’assurance d’une écoute bienveillante auprès des instances officielles - pour contribuer à la bonne gestion des hortillonnages, un héritage vieux d’au moins 5 siècles ! Ces associations resteront attentives et mobilisées pour que l’on respecte le site, les propriétaires, les touristes.
(1) Un premier arrêté a été pris dans ce sens par la municipalité de Camon le 12 juin 2023). Jusqu’à ce jour, les barques utilisées par les propriétaires ou leurs locataires pour circuler sur les rieux étaient identifiées par une plaque d’immatriculation qui donnait lieu à l’émission d’une carte d’immatriculation qui pouvait être présentée aux autorités chargées de la surveillance du site.
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La priorité qui nous occupe aujourd’hui reste la surfréquentation du site engendrée, je le rappelle, par le développement récent et incontrôlé des offres de promenades en barque par de nouveaux prestataires, surtout privés, proposant de nouveaux circuits « touristiques ».
Le constat est clair : limiter la fréquentation à l’intérieur du site passe par une limitation des visiteurs et un encadrement de ces offres de promenades.
Une majorité de propriétaires, soutenue n’en doutons pas par l’opinion publique, ne pourra accepter que nos hortillonnages devienne le « luna park » dénoncé depuis plus de 40 ans, entre autres par le syndicat de l’époque et les services de l’Etat…
Pour mémoire, il y a plus de 40 ans en effet, les services de l’Etat se sont mobilisés, de façon conséquente et aux côtés du Syndicat intercommunal pour l’aménagement et la sauvegarde des hortillonnages (SIASH), qui n’hésitait pas à introduire dans les premières lignes de son bilan : « En 1972, de lourdes menaces ont pesé sur les hortillonnages (projet de transformation de ce site en Lunapark, projets d’axes routiers devant le traverser)… »
A la même époque, un journaliste bien connu des Amiénois – Michel Curie, également auteur – titrait un de ses articles paru dans notre quotidien régional : « Comment sauver les hortillonnages d’Amiens ? », évoquant déjà la nécessaire limitation du nombre de visiteurs et les problèmes d’entretien du site !
A la première lecture du projet, je dois avouer que le modèle retenu pour l’élaboration de ce futur règlement m’est apparu guère adapté à la circulation des usagers sur nos rieux. Il porte sur le transport fluvial et conduit à évoquer la navigation de plaisance (d'ailleurs plusieurs articles de ce projet sont signalés comme étant « "sans objet") (1)
Peut-on rappeler que dès l’origine et ce durant plus de 5 siècles, les rieux (une des principales composantes de ce paysage si particulier) ne dépassaient guère 2 mètres de largeur et permettait aux propriétaires (et locataires) d’une part, d’accéder à leurs terres puis d’arroser leurs cultures d’autre part.
(1) Ajout postérieur à la rédaction de notre note: Ce 15 janvier, suite à un entretien téléphonique, il nous été précisé que le rédacteur de ce projet était contraint de respecter la circulaire interministérielle du 1er août 2013 relative à la mise en oeuvre du règlement général de police de la navigation intérieure et des règlements particuliers de police pris pour son application, éditée par le ministère de l'écologie... DGITM, bureau du transport fluvial
Je m’étonne par ailleurs de la place concédée aux manifestations et activités sportives dans un espace environnemental qui n’est certes pas adapté. A ma connaissance, des manifestations sportives se sont bien tenues par le passé (pour le plus grand plaisir du public, ex. Fête des Hortillons…) certaines ont perduré (ex. les régates de l’Ecole d’aviron sur les bords de la Somme), mais elles se concentraient essentiellement sur le cours de la Somme. Jamais, sur nos rieux…
La diffusion de ce projet, tel qu’il est proposé aujourd’hui, risque d’entraîner des effets inverses à ceux recherchés? Je les rappelle : retrouver calme et sérénité dans un espace longtemps considéré comme un « havre de paix » (formule largement utilisée dans les documents et informations touristiques !), un exemple de gestion intelligente des zones humides,
Il nous est difficile d’accepter le développement d’activités purement commerciales que semble entériner la préfecture sous le prétexte de prendre en compte la liberté d'entreprendre (dont il y aurait beaucoup à dire).
Peut-on accepter, voire encourager, des activités commerciales au coeur des Hortillonnages, un espace privé. Nous rappellerons ici que les propriétaires fonciers doivent contribuer à la préservation du site, par leur présence une grande partie de l’année, en entretenant leurs parcelles (ainsi que les rieux qui y sont attachés) d’une part, puis, d’autre part, s’acquitter de diverses redevances, dont celle versée à l’Association Syndicale des Canaux d’Hortillonnages (ASCH), chargée de l’entretien partiel des canaux : une quarantaine de rieux jugés indispensable pour veiller au bon écoulement des eaux.
Peut-on accepter le développement des activités purement commerciales, avec pour seule justification, la liberté d’entreprendre ? La liberté constitutionnelle d’entreprendre qui procède de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne précise-t-elle pas que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ? Difficile dans le cas précis qui nous occupe aujourd’hui d’ignorer les nuisances engendrées par ces activités, que ce soit au niveau des riverains puis, plus généralement, au niveau de la préservation d’un site historique et environnemental que l’on sait sensible.
Ce développement est-il compatible avec les engagements des collectivités publiques à la suite de la labellisation, le 18 décembre 2017 des Marais et tourbières des vallées de la Somme et de l’Avre (qui inclut nos Hortillonnages) au titre de la Convention internationale de Ramsar qui garantit la protection des zones humides ?
Pour conclure, les hortillonnages comme beaucoup de sites patrimoniaux et environnementaux en France sont victimes de leur succès. Près de 200 000 visiteurs ces dernières en ne comptant que ceux qui ont opté pour une promenade en barque à l’intérieur du site, plaçant nos hortillonnages parmi les sites les plus visités du département, le second après notre cathédrale, rang qu’ils partagent selon les années avec le Parc zoologique d’Amiens.
On peut comprendre l’irritation des propriétaires (et locataires) de petits lopins de terre au coeur du site et tout particulièrement des riverains concernés par les nouveaux circuits et le ballet incessant des barques durant sept mois de l’année, voire plus.
A un moment où la presse et les médias, régionaux comme nationaux, se sont emparés du sujet, évoquant les problèmes générés, en France comme à l’étranger, par les conséquences du « surtourisme » constatées au niveau de plusieurs sites patrimoniaux, historiques ou environnementaux emblématiques.
A un moment, où des responsables de collectivités locales et régionales, conscients de cette situation, ont le courage de prendre des mesures de sauvegarde assurant la pérennité de leur patrimoine historique et environnemental, nous nous interrogeons sur l’absence d’une véritable réglementation pour veiller à la sauvegarde de nos hortillonnages.
Il nous paraît urgent de rechercher le meilleur compromis possible entre une légitime promotion du site (en privilégiant un tourisme intelligent et responsable, conscient de la valeur de son patrimoine) et son indispensable préservation.
Nous ne sommes pas, bien entendu, opposé au développement du tourisme, dans un espace cependant majoritairement privé, à condition que celui-ci soit maîtrisé et encadré par une réglementation jusqu’ici inexistante.
Ce que nous dénonçons, c’est la multiplication anarchique des offres de promenades tarifées par des prestataires associatifs et surtout privés qui relèvent d’activités purement commerciales, trouvant là le moyen d’engranger de substantielles recettes, sans pour cela « réinvestir », ne serait-ce qu’une partie de celles-ci, dans les travaux et tout particulièrement l’entretien indispensable des canaux, contribuant ainsi à la sauvegarde de ce milieu que l’on sait sensible.
Par ailleurs, s’il faut respecter les propriétaires (trop souvent écartés des instances « officielles » lors des réflexions abordant la gestion du site !), il faut également respecter les touristes ! Nous connaissons plusieurs exemples d’offres de promenades plus ou moins juteuses : de petites barques en PVC où se retrouve une douzaine de personnes, sans gilet de sauvetage et devant se satisfaire d’une présentation de nos hortillonnages des plus fantaisistes !
Il nous paraît important de bien différencier ce qui relève d’activités culturelles qui concourent, d’une manière ou d’une autre, à la promotion du site, à sa préservation en sensibilisant les publics et ...une activité purement commerciale.
Qu'il me soit permis de prendre l’exemple de l’association de protection et de sauvegarde du site et de l’environnement (APSSEH), la plus ancienne, implantée à la Maison des Hortillonnages, bld Beauvillé, créée à l’initiative de Nisso Pelosof, amiénois d’adoption qui, rappelons-le, a été à l’initiative du sauvetage du site alors menacé de disparition suite à un projet fou naît au sein d’une de nos administrations !
Les différents présidents qui se sont succédés à la tête de cette association ont bien veillé à ne pas étendre le circuit de visite mis en place et à proposer une prestation honnête, en accueillant les touristes (dans une longue barque inspirée de la barque traditionnelle des hortillons) encadrés par des guides rompus à la présentation du site et de son environnement.
On sait, qu’aujourd’hui, les nouveaux dirigeants cherchent à maîtriser le flux des visiteurs. Ils ont mis en place par exemple un service de réservation en ligne qui devrait leur permettre de ne pas dépasser une jauge de visiteurs au-delà de laquelle l’accueil ne pourrait être plus assuré sérieusement, en veillant au respect du site.
Rappelons par ailleurs que cette association, reconnue d’utilité publique, met à disposition une équipe compétente, dotée d’un équipement spécifique, pour proposer aux propriétaires différents services dont la protection des berges qui s’est révélée efficace.
La généralisation d’une telle protection serait d’ailleurs une solution efficace pour limiter l’envasement des rieux en limitant le démantèlement des berges dites « naturelles ». Elle pourrait être prise en charge, partiellement ou totalement, au niveau des berges concernées par les circuits touristiques.
Cette solution contribuerait efficacement à limiter le comblement des canaux (et donc les dépenses consacrées à ces travaux) et devrait être appréciée par les riverains qui subissent les nuisances occasionnées par les multiples passages de barques lors de la saison.
B. Bréart
(15 janvier 2025)
Président de « SOS Hortillonnages » de 2022 à fin 2024.
Actuellement membre
de l’association « SOS Hortillonnages »,
de l’association pour la protection et la sauvegarde du site et de l’environnement des hortillonnages,
de l’association du musée des hortillonnages
NB : Je me permets d’attirer votre attention sur l’annexe 7 jointe au projet de règlement (cartographie des voies d’eau domaniales et des rieux).
En effet, nous attirons l’attention depuis plusieurs années sur le fait que la légende de ce document, extrait d’un dépliant touristique édité par l’APSSEH (en 2002 ?) est erronée. Elle a été souvent reprise et a participé à entretenir la confusion sur le statut juridique des voies d’eau, notamment en parlant de « rieux publics » ou de « rieux dits publics ». Deux distinctions qui n’apparaissent pas dans le décret de 1902.
Il faudrait lui préférer la cartographie établie par l’association syndicale des hortillonnages dirigée à l’époque par M. R. Gout.
Les personnes présentes à la réunion du 20 décembre sont invitées à faire part de leurs premières observations...
Ont été réunis des représentants des 3 associations (APSSEH, SOS Hortillonnages" et "Arts et Jardins"). Elle a donné lieu à un compte-rendu ...
Faisant suite à deux précédentes réunions (6 janvier 2022, 25 mai 2023) qui n’avaient pu connaître de suites (changement de préfet), une nouvelle réunion s’est tenue le vendredi 20 décembre 2024 en préfecture, suite à l’initiative de Monsieur le préfet de la Somme, après avoir été sollicité par le président de l’Association Syndicale des Canaux d’Hortillonnages (ASCH).
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Cette page a été revue et complétée le 17 janvier 2025